Les pieds nus sur le plancher de bois et devant moi, les arbres aux fleurs colorées, les eaux du lac Atitlan et les volcans. Le vent fait trembler les branches, fait se raidir mon corps d’un frisson.
Et là, devant moi se tiennent les 4 éléments : l’air, l’eau, la terre et le feu. Et je ne suis rien. Rien qu’un témoin de la Nature. De la nature grandiose et de sa beauté, de sa perfection en toute chose, dans l’équilibre de tout ce qui est.
A Rio, à Bagan, au milieu des 4000 îles, au cœur du parc de Joshua Tree, sur les plages de la côte landaise, ou dans une rivière du sud-ouest de la France, le corps plongé dans le Blue Lagoon en Islande, le regard levé vers les cimes des arbres de forêts du Limousin… souvent j’ai ressenti ma petitesse au sein du monde, mais surtout à quel point j’en faisais partie. Que tout se répondait. Que chaque chose était essentielle à la survie de l’autre. Aujourd’hui alors que la question de l’environnement est quotidienne en France, et que les débats sont nombreux, dans les médias ou en privé, il me vient toujours la même réponse. J’ai le sentiment que si nous en sommes là c’est par défaut de modestie. L’homme alors au-dessus de tout aurait oublié son lien à la Terre, aux autres, aurait renié les croyances qui l’attachaient aux dieux et aux forces de la Nature.
Ici impossible de s’y soustraire. La course du soleil révèle des lumières changeantes à chaque instant, tout autour du lac, les ombres se meuvent d’une rive à l’autre, les volcans endormis nous parlent d’une force lointaine, les forêts et les fleurs racontent la fertilité de cette terre, les ondes du lac suivent des rythmes qui leur sont propres et qui évoluent au fil des heures. Les hommes parlent un dialecte venu d’ailleurs, de si loin, et les femmes dans leurs tenues traditionnelles nous évoquent ces mêmes temps passés. Un temps qui semble avoir échappé à la mondialisation.
Ici, au bout de chaque ponton, un nouveau monde.
Santa Cruz, Jaibalito, San Juan, San Marcos, San Pedro, Santiago, Santa Catarina… tous les villages autour du lac ont leurs particularités. Ils sont tous singuliers : leur langue, leur artisanat, leur place face au soleil et aux volcans.
Jaibalito, minuscule village après la touristique et tout en hauteur Santa Cruz, a le charme fou du visage des enfants souriants qui courent dans les rues, et recèle d’un calme rare dans les hauteurs.
San Marcos paradis hippie qui semble inébranlable face aux aléas du monde et qui guérit les âmes au son de musiques qui font vibrer le ventre et les nourrit de produits locaux et végétariens.
San Juan est le havre des artisanats : la teinture, le tissage, la culture du café, du chocolat, des remèdes conçues par les femmes grâce aux plantes de leurs jardins…
Santiago, village maya dont le nom en tz’utujil (dialecte maya parlé dans cette région du lac) signifie « maison des oiseaux », raconte bien des histoires. Celle de la guerre civile bien sûr, de la séparation entre religions maya et catholique, celle de la vie avant l’invasion espagnole, de la pièce de vingt-cinq centimes et celle de Maximom, un saint local un peu particulier.
Panajachel, est la première ville du lac. Celle par laquelle on arrive du reste du pays, celle par laquelle on quitte le cocon du lac. Celle qui en douceur nous fait glisser d’un monde à l’autre.
Et c’est ainis que naît le jour.
De derrière les volcans, la lumière,
Jaune, orange, rose, colore les nuages
Et le flanc des monts endormis.
Les eaux du lac bleues d’acier se teintent de rose.
Et ainsi sur les flots immobiles,
Une ligne,
Une fracture se crée entre les ténèbres et la lumière.
A chaque minute, les couleurs changent.
Et tout l’univers se transforme,
Dans les forces du vent qui font se mouvoir les choses,
Dans la course des nuages qui se prennent dans les volcans…
Et pourtant, dans les villages peuplés du bord du lac Atitlan, le temps semble s’être arrêté.
Et c’est ainsi que naît le jour.
Dans la nuit, le vent bruyant avait balayé les nuages, et alors,
Dans les premières lueurs du soleil encore dissimulé,
S’étendait un monde nouveau.
Tout avait une couleur d’or.
Le flanc des volcans, le ciel et les ondes du lac.
Tout était enveloppé d’or.
D’une chaleur qui donne envie de se mouvoir lentement dans le monde pour ne pas le brusquer.