Evaporation dans la magie birmane (2)

Bagan. J’y étais. Nous étions le 17 janvier 2017 et j’étais sur le point de voir un de mes rêves se réaliser.

Je ne sais pas très bien ce que j’imaginais, mais quand le minibus s’est arrêté sur la place en face du marché dans le quartier de Nyaung Oo de Bagan, rien ne pouvait laisser présager, que quelque part, tout près, se tenait un site mythique, abritant dans sa végétation, des centaines de temples.

Mais très vite, avec un peu d’attention, on comprend que ce quartier n’est qu’un quartier de passage, un lieu où les gens arrivent et qui rêvent déjà d’ailleurs. Un ailleurs tout proche, simplement caché. Des bureaux pour acheter des billets de bus, des loueurs de scooter et e-bike, des auberges, des restaurants… ici on accueille le voyageur, le back-packer, et on le prépare à ce qu’il va vivre. On le met en confiance avec de la nourriture un peu plus accessible, avec quelques saveurs occidentales, avec un wifi efficace, de l’eau chaude pour la douche et même des petits commerces à quelques mètres du traditionnel marché.

Alors, une fois installée, j’ai loué mon scooter électrique, et après des débuts plus que difficiles, (déjà pas très adroite sur un vélo !), un seul objectif : dormir pour être levée avant l’aube et trouver le chemin des temples.

« Au rond-point, la voie de droite et toujours tout droit, et puis vous choisissez n’importe quel temple pour voir le lever de soleil ». Bon comme ça, ça avait l’air facile…

En réalité, à 4h 30 en Birmanie il fait froid, très froid, et sur le scooter encore plus. Perdue dans la nuit sur une immense route, il est difficile de distinguer les temples et encore plus ceux desquels on pourra observer le lever de soleil, et alors les touristes se questionnent, se suivent, se perdent, reviennent sur leur pas…

Et puis tout à coup, le scooter ralentit, imperceptiblement au début et puis franchement à l’approche d’une pagode qui se réveillait à peine, deux moines faisant des étirements sur les marches.

Impossible de continuer. Alors gentiment, les birmans présents m’ont proposé d’appeler la femme qui m’avait loué le scooter. Dix minutes plus tard elle était là avec un engin rechargé à bloc. Mais déjà j’étais anxieuse à l’idée qu’il soit dejà trop tard pour admirer le lever du soleil et je ne savais toujours pas qu’elle était LA pagode depuis laquelle le spectacle valait le coup d’être vu !

Au détour d’une énième ruelle de sable bordé d’arbres secs, une femme en scooter elle aussi, une birmane levée aux aurores qui savaient que chaque matin les touristes se perdaient, m’a proposé de m’emmener au sommet d’une pagode pour admirer le spectacle, j’y serai presque seule, et le soleil n’allait vraiment pas tarder à se lever…

Je l’ai suivi et c‘est ainsi que quelques minutes plus tard je vivais mon premier lever de soleil sur Bagan, quasiment seule sur le toit d’une pagode à l’égard des centaines de touristes.

Minute par minute le soleil se hisse de derrière l’horizon, se faufile dans les nuages de brumes du matin, projette les ombres légères des pagodes devant moi… Et tout à coup dans la lumière orangée, les montgolfières s’envolent.

Une, deux, trois… puis une vingtaine au total viennent s’aligner à l’horizon dans la lumière sublime pour dresser le tableau onirique de Bagan. Bagan la merveilleuse, la sublime, la mystique, qui se donne en spectacle sous la lumière chaude du soleil qu’on croirait voir se coucher tant il est orangé.

En revenant sur mes pas, à la lumière du jour, et à la découverte des autres temples, je l’ai reconnu. La grande pagode depuis laquelle tous les touristes admiraient le lever et le coucher du soleil. Celle depuis laquelle tout le monde ramène LA photo mythique de Bagan.

Je repérai le chemin, et le soir même vers 16h je gravissais les marches à l’inclinaison effrayante, pour m’asseoir au troisième étage, face au soleil, le dos collé à la pierre chaude de la pagode majestueuse.

Alors que le soleil se couchait offrant de nouveau un spectacle sans pareil aux dizaines de touristes ébahis, je prenais déjà rendez-vous pour le lendemain matin. Rendez-vous avec cette pagode en réfléchissant depuis quel endroit j’aurais le plus beau point de vue, en disant au soleil que dans quelques heures, je le retrouverai.

A 5h30, avec des dizaines de touristes, je passai le contrôle à l’entrée de la pagode, nerveuse de ne pas être bien placée pour vivre ce moment. J’avais vu la veille le soleil se lever sur Bagan et pourtant j’avais l’impression que ce matin encore c’était une première fois.

Et tout fut différent. Fébrile, je regardai l’horizon. La lumière était plus pale que la veille, le soleil tardait à réellement se lever, on ne distinguait pas encore de ballons au loin, il faisait aussi plus froid que la veille, les pieds nus sur la pierre sacrée…

Le soleil se faisait désirer, et je tremblais, fébrile, inquiète de manquer ce rendez-vous… Et pourtant de nouveau la magie a opéré. Les premiers rayons enfin sont apparus à l’horizon, derrière une immense pagode carrée, ils ont baignés de leur faible lumière les épais nuages de brumes encore accrochés dans les branches des arbres, on a vu la crête des montagnes au loin se détachaient du noir du ciel…Bientôt il n’y eut plus qu’un très long nuage dans le ciel juste au-dessus du soleil qui s’est habillé de rose, et les montgolfières se sont élancées, une à une elles ont rempli le ciel de leur féérie.

C’était un de ces moments où tout est exactement à sa place, où la Nature et l’Homme ont pu s’entendre pour créer un moment de magie, un instant où rien d’autre n’existe que le présent, les odeurs, les lumières, la température changeant tout petit à petit, les respirations qui s’apaisent ou s’accélère devant le spectacle, la danse des ballons juste au-dessus des pagodes, ces œuvres des Hommes pour leurs dieux, et le soleil qui chaque matin vient bénir cet endroit préservé et où on peut encore rêver d’un monde de poésie, d’harmonie, de beauté, où l’Homme retrouve sa place au cœur de la Nature et de l’Histoire.

Voilà. Voilà ce que c’est Bagan : retrouver sa place au milieu d’un immense tout, où le rêve devient une réalité, une somme de petites choses qui, mises ensemble crée un instant de perfection qui donne envie de croire, de vivre, de sourire béatement, d’aimer, très fort, tout le monde… ça fait les gens se regarder dans les yeux et se dire dans des langues approximatives que c’est le plus beau lever de soleil qu’ils n’ont jamais vu.

Un lever de soleil. Un début de quelque chose. Comme si tout l’espoir de l’Humanité pouvait tenir dans ce simple moment, dans cette réalité du soleil qui se lève et que l’on lit comme une promesse. La promesse que demain il se lèvera encore, que de nouvelles choses sont à offrir, que tout peut commencer. Ici, ou plus loin, simplement parce que le soleil se lève.

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